L'art de Botticelli, étonnamment personnel, d'une subjectivité intense, est, en même temps, le plus profondément accordé au climat de ce « siècle d'or » florentin évoqué par Vasari au début de la biographie qu'il lui consacre. Botticelli ne connaît pas l'épanouissement heureux de Raphaël, l'insatisfaction tourmentée de Léonard, les angoisses ou les triomphes de Michel-Ange. Mais l'originalité de son œuvre est dans la réaction d'une sensibilité constamment en éveil devant les êtres et les choses, devant les événements, les suggestions, les rêves qui s'affrontent et se succèdent au cours d'une carrière apparemment sans histoire.
Alessandro di Mariano di Vanni Filipepi, dit Sandro Botticelli, est né à Florence l'année même où le palais Médicis sort de terre. Michelozzo, qui en est l'architecte, poursuit en même temps la construction du couvent de Saint-Marc, dont Fra Angelico décore les cellules ; Brunelleschi, un an avant sa mort, dirige les premiers travaux de Santo Spirito ; Andrea del Castagno entreprend les fresques de Sant'Apollonia et Paolo Uccello, dans le « cloître vert » de Santa Maria Novella, crée deux de ses œuvres les plus impressionnantes, Le Déluge et Le Sacrifice de Noé.
Le milieu où s'écoule l'enfance de Botticelli n'est pas celui de ces maîtres que protègent les Médicis et les grands Florentins qui forment leur entourage : son père est un modeste tanneur du borgo Ognissanti. Mais le petit monde qui est le sien est en relation constante avec celui des artistes de métier. Les travaux entrepris à Florence sous l'impulsion des Médicis, la construction et le décor des églises, des couvents, des palais rassemblent sur les mêmes chantiers les menuisiers, les marqueteurs, les ciseleurs, les peintres et les sculpteurs.
Sandro se révélant décidément rebelle à l'étude (« il apprenait tout ce qu'il voulait, dit Vasari, mais refusait de s'appliquer à l'écriture, à la lecture et au calcul »), son père le confie à l'un de ses amis qui est orfèvre. Pour Botticelli, cet apprentissage est une étape décisive : orfèvres et peintres entretenaient alors des rapports étroits (c'est encore Vasari qui l'écrit) : le jeune garçon découvre la peinture, se passionne, et décide son père à le laisser suivre sa vocation ; il devient l'élève d'un frère carme plus ou moins en rupture de ban, Fra Filippo Lippi. Mais son œuvre de peintre restera marquée par cette première formation dans l'atelier d'un orfèvre : c'est là sans doute qu'il acquiert le goût des motifs « ciselés », le sens du trait incisif et délié, qui donnent une précision étrange à ses évocations les plus immatérielles.
Aucun document ne permet d'identifier à coup sûr les œuvres que Botticelli peignit chez Filippo Lippi. Mais dans la série des Vierge à l'Enfant visiblement dérivées des compositions du maître (Vierge à l'Enfant, à la National Gallery ; Madone des Guidi de Faenza, au Louvre), on peut distinguer plusieurs peintures où semblent affleurer les traits qui caractérisent les œuvres ultérieures de Botticelli : d'une part, une nuance de mélancolie, d'angoisse contenue dans l'expression attendrie de la Vierge contemplant son fils, qui donne un accent nouveau au thème élaboré par Donatello et si souvent traité après lui par les artistes florentins ; d'autre part, une insistance sur le contour, un souci du relief, du modelé, tout à fait étrangers à l'art de Filippo Lippi. Botticelli n'a certainement pas ignoré les travaux des peintres sculpteurs dont les ateliers étaient alors les plus actifs de Florence, Antonio del Pollaiuolo et Verrocchio. Leur influence est très nette dans la première œuvre attestée de Botticelli, La Fortezza, qu'il peignit en 1470 : c'est une jeune fille à l'air rêveur, à l'attitude indolente, mais le visage est modelé avec fermeté ; les détails de l'architecture, les ornements du costume, du diadème, de l'étrange armure sont travaillés avec une sûreté et une finesse extrêmes... Le tableau fait partie d'une série de sept peintures représentant les « Vertus » que le tribunal de la Mercanzia avait demandé en 1469 à Piero del Pollaiuolo. Mais celui-ci avait dû ensuite céder une partie de la commande à Botticelli, sur l'intervention de Tomaso Soderini, homme de confiance des Médicis, et probablement par la volonté de Laurent lui-même. Le vieux Cosme avait toujours protégé Fra Filippo Lippi, malgré sa vie agitée et quelque peu scandaleuse. Sans doute Botticelli était-il entré en contact dès sa jeunesse avec les maîtres de Florence. La faveur qu'ils lui marquèrent au début de sa carrière de peintre indépendant, établi désormais à son compte, allait se poursuivre jusqu'à la fin de sa vie.
Formation du style
Les deux petits panneaux représentant Judith revenant de Béthulie et Les Assyriens découvrant le cadavre d'Holopherne, probablement contemporains de La Fortezza, montrent Botticelli attentif aux mêmes leçons : les draperies flottantes qui enveloppent Judith et la servante dérivent de Verrocchio, le mouvement des silhouettes a son équivalent dans plusieurs compositions de Filippo Lippi. Mais leur démarche déjà est presque dansante. L'expression désenchantée de Judith, son geste nonchalant transposent le sujet biblique dans l'univers de poésie mélancolique où s'épanouit l'imagination du peintre. Les accords de couleurs, clairs et subtils pour la Judith, plus riches et plus sonores pour Holopherne, ajoutent à l'intensité lyrique des deux peintures.
L'enseignement de Filippo Lippi ne sera pas rejeté d'un coup. Dans la première Adoration des mages peinte par Botticelli (vers 1470-1475), le groupe de la Vierge et de l'Enfant est très proche des compositions du moine sur le même sujet. L'apport personnel de Botticelli est ici la recherche d'une organisation rationnelle de la surface qu'il rythme d'éléments d'architecture, aux lignes fuyantes.
La perspective
Cette préoccupation de la perspective, commune aux artistes florentins de son temps, l'amènera peu après à renouveler l'ordonnance traditionnelle en largeur, qui permettait de traiter le sujet en multipliant, dans le cortège fastueux des rois, les portraits des donateurs, de leurs familiers, des personnages importants de la cité. C'est une composition centrée qu'adopte Botticelli pour L'Adoration des mages peinte en tondo vers 1476 et pour la célèbre Adoration des mages que lui commande, la même année sans doute, un riche financier dévoué aux Médicis, Guaspare di Zanobi del Lama. La première est agencée selon les volumes et les lignes obliques d'une haute architecture claire. Pour la seconde, Botticelli utilise à peine les ressources de la perspective : deux pans de murs à demi ruinés suffisent à indiquer la profondeur. Dans l'espace ainsi délimité, le peintre dispose habilement les personnages, dont beaucoup sont, selon la coutume, des portraits contemporains : le vieux Cosme de Médicis, Pierre et Jean ses fils, ses petits-fils Laurent et Julien, enfin le peintre lui-même, qui s'est représenté debout à l'extrémité droite du tableau. La chaude luminosité baignant la composition, l'harmonie des tons, où dominent les rouges et les ors, font de ce tableau un hommage aux Médicis, dont l'éclat rivalise, sur un autre mode, avec la brillante chevauchée peinte par Gozzoli en 1459 dans la chapelle de leur palais pour illustrer le même thème.
Botticelli, dès maintenant, fait partie du cortège de leurs protégés et de leurs amis. Il a peint, l'année précédente, une Pallas sur l'étendard de Julien, le frère du Magnifique, pour une joute fameuse dont il sortit vainqueur. En 1478, après la conjuration des Pazzi et l'assassinat de Julien, Botticelli représente, sur le mur de la Douane, près du Palais Vieux, le châtiment des conjurés. À la même époque, il réalise pour un petit-neveu de Cosme, Lorenzo di Pierfrancesco, la première d'une série de compositions mythologiques, l'une des plus célèbres, l'une de celles où s'exprime le mieux la sensibilité de son imagination : Le Printemps. Les textes contemporains permettent d'en déchiffrer le symbole : c'est l'apparition merveilleuse des dieux protecteurs évoqués par les humanistes florentins autour du jeune Laurent, le « règne de Vénus » décrit par Politien, « royaume où se complaît la grâce, où Zéphyr, lascif, vole derrière Flore, où l'herbe verte fleurit ». Botticelli peint sur ce thème un jardin de rêve, où toutes les fleurs de Toscane s'épanouissent comme sur une tenture médiévale, tandis que la souplesse des lignes, l'ondulation des gestes suggèrent le rythme lent d'une chorégraphie quasi rituelle dont la qualité même du style accentue l'irréalisme. La subtile calligraphie suscite une interprétation personnelle et sensible du thème philosophique, en même temps qu'elle illustre, presque littéralement, les préceptes énoncés quarante ans plus tôt par Alberti : « J'aime voir les chevelures... s'enroulant en volutes comme pour se nouer, et ondoyant dans l'air, semblables à des flammes qui tantôt s'entremêlent à la manière des serpents, tantôt s'élèvent et se dispersent. »
Botticelli ne reprendra que dix ans plus tard, toujours pour les Médicis, les thèmes inspirés de la mythologie. Le succès qu'il connaît à Florence lui impose de se consacrer essentiellement à la peinture religieuse. Là encore, une réaction toute personnelle devant le sujet, et en même temps le besoin d'en rechercher le sens le plus profond, le plus secret, donnent à ses œuvres un pouvoir expressif singulier. Il suffit, pour s'en rendre compte, de comparer le Saint Augustin qu'il peint en 1480 à l'église d'Ognissanti et le Saint Jérôme de Ghirlandaio, exécuté la même année, pour la même église. Celui-ci n'ajoute rien à l'image traditionnelle, élaborée par les peintres flamands, du pieux docteur dans son cabinet de travail minutieusement représenté. Botticelli, au contraire, a montré, dit Vasari, « la concentration, la subtilité aiguë qui est celle des intellectuels constamment absorbés par la réflexion sur les idées les plus hautes et les plus ardues ». Alors que Botticelli, pour autant que nous le sachions, fait ici probablement ses premières armes comme peintre de fresques, Ghirlandaio a déjà acquis une expérience et une réputation certaines en ce domaine : il a travaillé à Ognissanti dès 1472, à la collégiale de San Gimignano en 1475 et, la même année, il est allé décorer à Rome la bibliothèque de Sixte IV. Il sera tout naturellement parmi les artistes que le pape fera venir en 1481 pour réaliser les fresques de la chapelle qui porte son nom et dont la construction s'achève. Parmi les autres artistes chargés de l'entreprise, le Pérugin lui aussi a déjà travaillé à Rome pour Sixte IV. Mais Botticelli, comme Rosselli, le plus âgé du groupe, avait eu jusque-là une carrière purement florentine. Il n'en est pas moins arrivé à la pleine maturité de son talent. Le pape, en le choisissant, fut peut-être guidé par le désir d'être agréable aux Médicis avec lesquels il venait de se réconcilier après les démêlés violents qui s'étaient élevés lorsque avait été découverte la part prise par Sixte IV à la conjuration des Pazzi.
Le programme assigné aux peintres de la Sixtine développait un parallèle entre la vie du Christ et celle de Moïse. Certains épisodes pouvaient aisément coïncider, d'autres analogies étaient plus complexes et posaient des problèmes aux artistes chargés de les illustrer. Ce fut le cas des compositions dont fut chargé Botticelli : la première groupe sept épisodes de la jeunesse de Moïse ; une autre montre le châtiment des lévites Coré, Dathan et Abiron, qui s'étaient révoltés contre l'autorité d'Aaron ; la troisième enfin représente, sur la paroi opposée, la Tentation du Christ et le sacrifice de purification du lépreux. Botticelli a tenté de compenser la fragmentation des sujets par l'animation de chaque épisode et l'harmonie des rythmes. Des éléments, parfois secondaires, sont mis en valeur, comme fortuitement, et retiennent l'attention sans nuire au thème principal : ainsi le groupe des filles de Jéthro, la silhouette mouvante d'une jeune femme portant sur sa tête le bois destiné à l'autel, dans la scène du sacrifice. Certains visages sont des portraits, d'autres incarnent les créatures de rêve qui peuplent l'imagination du peintre : profils féminins encadrés de boucles blondes, adolescents perdus dans un songe indéchiffrable.
Les fresques de Botticelli à la Sixtine furent parmi les plus appréciées, écrit Vasari : le pape lui donna une grosse somme d'argent, qu'il s'empressa de dissiper avant de rentrer à Florence, aussi pauvre qu'il en était parti. Quoi qu'il en soit, le séjour de Botticelli hors de Florence n'a pas marqué l'évolution de son style. Il ne semble pas avoir réagi aux œuvres qu'il a pu voir au Vatican même, celles de Melozzo da Forli par exemple.
Quant aux monuments de l'ancienne Rome, il les a sans doute attentivement regardés, puisque l'arc de Constantin et le Septizonium de Septime Sévère apparaissent à la Sixtine dans la fresque du Châtiment des lévites. Mais on ne retrouve rien de semblable dans ses peintures ultérieures. L'art antique l'inspirera moins que les sujets tirés des textes historiques et littéraires remis en honneur par les humanistes florentins, dont il donnera d'ailleurs des interprétations, ou des transpositions, toutes personnelles.
Selon l'anonyme Magliabecchiano, Botticelli peignit durant son séjour à Rome une Adoration des mages qu'on a identifiée avec le tableau provenant de l'Ermitage, aujourd'hui conservé à la National Gallery de Washington (collection Mellon). L'œuvre date en effet de cette période. La manière dont Botticelli traite ici le sujet révèle une maîtrise accrue dans la science de la composition. Elle démontre en fait les relations existant entre lui et Léonard de Vinci. Les deux peintres, si différents par leur tempérament et par leur génie, étaient pourtant amis. Léonard, dans son Traité, rapporte leurs discussions sur le paysage. Le tableau de Washington montre que Botticelli n'ignorait pas les nombreuses études de Léonard sur le thème de l'Adoration des mages et notamment les esquisses utilisées pour la peinture, demeurée inachevée, que lui avaient commandée les moines de Scopeto. La concentration de toute l'ordonnance autour du groupe de la Vierge et de l'Enfant, élément essentiel de la scène, vers lequel convergent les regards et l'émotion, les attitudes méditatives de certains personnages, les groupes de cavaliers à droite et à gauche sont autant d'échos de l'œuvre de Léonard.
Celui-ci, en 1481, part pour Milan où l'appelle Ludovic le More. Botticelli retrouve à Florence son atelier, ses élèves, dont le nombre s'accroît, ses clients qui lui demandent surtout des Madones et des tableaux de dévotion. Ses travaux à Rome lui ont acquis pourtant une nouvelle réputation comme fresquiste : il reçoit, pour le palais de la Seigneurie, la commande d'un décor qu'il n'exécutera pas. Un peu plus tard, Laurent de Médicis le charge de peindre, avec Filippino Lippi et ses anciens compagnons de la Sixtine le Pérugin et Ghirlandaio, une série de compositions mythologiques, aujourd'hui détruites, dans une villa qu'il possédait près de Volterra. Pour juger donc de l'activité de Botticelli fresquiste durant cette période, il nous reste les scènes allégoriques de la villa Lemmi, maintenant au Louvre : une jeune femme recevant les dons de Vénus et des Grâces, un adolescent introduit dans le cercle des Arts libéraux. Pour illustrer ces thèmes néo-platoniciens, Botticelli, infiniment plus libre dans son expression qu'il ne l'était à la Sixtine, retrouve par la sérénité des compositions, par l'accord subtil des couleurs claires, l'atmosphère de grâce et de poésie qui est celle du Printemps. Il revient d'autre part aux compositions mythologiques. Après Mars et Vénus où l'on a vu parfois une allusion aux amours de Julien de Médicis et de Simonetta, il peint Minerve et le Centaure, symbole de la sagesse triomphant de la violence et du désordre : la robe de la déesse est semée d'anneaux surmontés d'un diamant, l'un des emblèmes médicéens. La Naissance de Vénus enfin, exécutée comme Le Printemps pour Lorenzo di Pierfrancesco, illustre un sujet antique bien connu, l'Aphrodite Anadyomène d'Apelle, décrite par Pline, puis par Politien. Botticelli y trouve le point de départ d'une évocation merveilleuse, soutenue par des modulations graphiques d'une virtuosité incomparable. L'attitude de la déesse est celle de la Vénus pudique souvent représentée dans la statuaire antique. Mais Botticelli lui a donné le visage de ses Madones, et celui de ses anges aux zéphyrs qui la poussent vers le rivage.
Dans les grands retables qu'il peint à la même époque, l'acuité d'observation, le souci d'un certain réalisme dans l'individualisation des personnages ont cédé peu à peu la place à une stylisation presque maniériste qui vise, semble-t-il, à libérer la représentation de références terrestres trop précises pour la hausser au niveau idéal de la vision mystique. Sur le tableau de La Vierge à l'Enfant entre les deux saints Jean, peint en 1485, le visage de l'Évangéliste est buriné comme celui d'un vieillard dont la vie a été consacrée à l'étude et à la réflexion. Son compagnon, émacié, anguleux, est un ermite surgi du désert. L'année suivante, Botticelli prêtera ses traits au centaure dompté par Minerve, car les êtres qu'il peint deviennent ses propres créations, les habitants de son univers particulier. Dans le Retable de San Barnaba, un peu postérieur, le profil de sainte Catherine est celui d'une jolie Florentine, qui évoque à la fois la Vénus du tableau de Londres et la jeune femme recevant les dons des Grâces, sur la fresque du Louvre. Mais, dans l'ensemble, le tableau indique une évolution : le canon des figures s'allonge, les regards se perdent dans un rêve intérieur.
Pour Le Couronnement de la Vierge, peint sans doute vers 1488, pour l'autel de la corporation des orfèvres à Saint-Marc, Botticelli adopte une composition plus dépouillée : quelques éléments de paysage remplacent à l'arrière-plan la puissante architecture des tableaux de San Barnaba ; les attitudes des quatre saints, celles de la Vierge et de Dieu le Père sont devenues conventionnelles. L'émotion, l'effusion de spiritualité que lui inspire le sujet s'épanouissent dans la ronde des anges, dans le tourbillon qui emporte les silhouettes dansantes, soulève les draperies, éparpille les fleurs multicolores sous les rayons dorés de la gloire céleste.
Les prédelles accompagnant les grandes compositions religieuses offrent une simplicité de conception, une vivacité expressive qui subsistent malgré l'intervention fréquente des élèves. La prédelle du tableau de San Barnaba associe la fine grisaille d'un Christ au tombeau à des petites scènes esquissées en quelques traits et rehaussées de tons vifs : la Vision de saint Augustin, Salomé portant la tête de saint Jean et la Mort de saint Ignace.
Parallèlement à ces tableaux d'autel, les tondi de la Vierge reflètent la même évolution vers un lyrisme de plus en plus abstrait auquel s'ajoute un sentiment de mélancolie douloureuse, dont les Madones peintes au début de sa carrière offraient un premier accent. La Vierge du Magnificat (1482) est une harmonie parfaite de rythmes, de lignes et de couleurs, qui crée une atmosphère de spiritualité intense dans l'espace défini par la forme circulaire du tableau. Un paysage serein occupe le fond de la composition. Dans la Vierge à la grenade (1487), la signification profonde de la composition est donnée par le fruit symbolique évoquant la Passion du Christ. Le sentiment mystique s'exalte tandis que la densité des couleurs s'exprime dans un ruissellement d'or.
Botticelli consacre une partie de son activité aux arts mineurs. Il réalise des décors de tentures par des assemblages de tissus : c'est ainsi qu'il avait réalisé l'étendard de Julien en 1475. Selon Vasari, il aurait exécuté aussi un baldaquin pour l'église d'Or' San Michele et donné des modèles pour une croix processionnelle brodée. Les artisans, marqueteurs, ciseleurs, recherchent ses dessins. Mais c'est surtout dans la gravure florentine du temps, spécialement à la fin du siècle, qu'on trouve la marque de son influence.
En fait, dans la dernière partie de sa vie, à partir de 1490 environ, le caractère essentiellement linéaire du style de Botticelli s'accentue encore. Une calligraphie de plus en plus emportée répond à une inspiration de plus en plus fébrile. C'est la double évolution que montrent, après La Calomnie d'Apelle (vers 1490-1495), les panneaux illustrant L'Histoire de Lucrèce et celle de Virginie (vers 1499), puis les Scènes de la vie de saint Zénobe, qui proviennent sans doute d'un cassone. Avec la Calomnie, Botticelli reprend, une fois encore, un thème antique, celui d'un célèbre tableau d'Apelle décrit par Lucien, qu'Alberti avait évoqué dans son Traité de peinture. La composition tout entière est traversée d'un élan frénétique, élan qui, dans les compositions narratives ultérieures, se brise et se disperse en tourbillons multiples.
L'univers de poésie pure qui était celui de Botticelli semble envahi alors par le tumulte et les troubles que suscitent à Florence la prédication de Savonarole, la fuite des Médicis en 1494, la condamnation et le supplice du moine quatre ans plus tard. Vasari affirme que le peintre adhéra au mouvement des piagnoni, les disciples de Savonarole. Au-delà du drame que fut pour lui le départ des Médicis, ses protecteurs de toujours, puis la mort de Savonarole sur le bûcher, il ressentit profondément l'angoisse morale, les déchirements qui étaient ceux de tous les Florentins. C'est alors qu'il peint, après la Pietà torturée de la Pinacothèque de Munich, la Crucifixion allégorique, où s'opposent, derrière la croix, un panorama ensoleillé de Florence, protégée par Dieu le Père, et un paysage infernal peuplé de démons dans des nuages de fumée. Vers 1500-1501, Botticelli donne enfin, avec la Nativité mystique, une vision d'espérance retrouvée. Au-dessus de la crèche se déploie une ronde d'anges portant des rameaux d'olivier et les couronnes destinées aux élus, tandis qu'en bas de la composition, d'autres anges accueillent « les hommes de bonne volonté » et les embrassent en signe de réconciliation. Dans le haut du panneau, Botticelli a placé une inscription, en lettres grecques, qui éclaire la signification du tableau et l'intention du peintre : « Ce tableau a été peint par moi, Sandro, à la fin de l'année 1500, pendant les désordres d'Italie, dans la moitié du temps après le temps, selon le chapitre xi de saint Jean, dans la seconde douleur de l'Apocalypse, lorsque Satan fut déchaîné sur la terre, pour trois ans et demi. Puis selon le Cantique XII, il sera de nouveau enchaîné et nous le verrons foulé aux pieds comme sur ce tableau. »
Parallèlement à ces dernières œuvres, d'une inspiration exaltée, Botticelli exécute, avec les peintres de son atelier, les nombreux tableaux de dévotion que réclame la piété populaire sensibilisée par la prédication et la mort du dominicain. En même temps, Botticelli achève les dessins de la Divine Comédie, que lui avait commandés, sans doute dès 1482, Lorenzo di Pierfrancesco. La comparaison avec les peintures réalisées à partir de cette date semble indiquer que les dessins pour L'Enfer ont été exécutés d'abord, tandis que, dans les illustrations du Purgatoire et du Paradis, des rapprochements peuvent être établis avec certains détails d'œuvres comme la Pietà ou la Nativité mystique. Les visions surgissent d'un espace totalement dématérialisé. Libéré des règles de la perspective et de la composition picturale, le peintre s'abandonne au pouvoir magique de la ligne, à la subtile cadence du graphisme pur, et fait naître, au-delà des références littérales au poème, l'illusion et l'extase.
Il semble avoir achevé sa vie dans l'isolement, hors des courants artistiques nouveaux qui se dessinent à Florence. Il meurt, presque oublié, après avoir été le plus grand peintre de la cité, au moment où celle-ci connaissait un rayonnement prestigieux en Italie. Mais Botticelli avait suivi une voie trop personnelle pour que d'autres puissent l'emprunter après lui.
— Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE.-------
Sandro Botticelli
Ir a la navegaciónIr a la búsquedaAlessandro di Mariano di Vanni Filipepi, apodado Sandro Botticelli (Florencia, 1 de marzo de 14451- ibídem, 17 de mayo de 1510), fue un pintor del Quattrocento italiano. Pertenece, a su vez, a la tercera generación cuatrocentista, encabezada por Lorenzo de Médici el Magnífico y Angelo Poliziano. Procuraron la libertad de conducirse humanamente, recogida de la antigüedad clásica.2 Giorgio Vasari narra, en su Vita de Botticelli, desde su infancia hasta su muerte. Esta obra pertenece a Le vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori. Menos de cien años después, esta etapa, bajo el mecenazgo de Lorenzo de Médici, fue considerada por Giorgio Vasari como una «edad de oro». Esto se debe al esplendor artístico alcanzado en la Florencia de fines del siglo XV.
La reputación póstuma del artista disminuyó notablemente en los siglos siguientes, pero fue recuperada a finales del siglo XIX; desde entonces, su obra se ha considerado exponente máximo de la gracia lineal de la pintura del primer Renacimiento. El nacimiento de Venus y La primavera son, actualmente, dos de las obras maestras florentinas más conocidas. Se expusieron por primera vez en la galería de los Uffizi, Florencia, en 1815..-
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